Matthieu 5/13-16
13« Vous êtes le sel de toute la terre.
Mais quand le sel perd son goût, comment lui rendre son bon goût ?
Il ne sert plus à rien.
On le jette dehors et les gens marchent dessus.
14« Vous êtes la lumière du monde.
Quand une ville est construite sur une montagne,
elle ne peut pas être cachée.
15Et quand on allume une lampe,
ce n’est pas pour la mettre sous un seau !
Au contraire, on la met bien en haut, et elle brille
pour tous ceux qui sont dans la maison.
16De la même façon,
votre lumière doit briller devant tout le monde.
Alors les autres verront le bien que vous faites.
Ils pourront chanter la gloire de votre Père
qui est dans les cieux. »
Un jour Jésus explique aux disciples et aux gens qui le suivaient
qu’il est LA LUMIERE DU MONDE et que celui qui le suit ne marchera plus dans les ténèbres mais qu’il aura la lumière de la vie.
Il l’a dit en donnant la vue à un aveugle de naissance !
Spirituellement parlant nous sommes assez régulièrement comparables à cet aveugle qui a besoin de la main guérissante de Jésus !
En effet, Il y a des situations dans la vie dans lesquelles on a plutôt l’impression de marcher à l’aveuglette, comme dans un brouillard continu tant cette lumière paraît lointaine et si petite alors qu’on en aurait cruellement besoin.
Chers frères et sœurs, en période de crise, chacun ressent un fort besoin
de sécurité. Chacun cherche à préserver ses acquis, à se préserver, à ne pas disparaître corps et biens.
Nous pouvons vérifier cette réalité dans le monde politique plus que jamais aujourd’hui mais aussi dans les religions de plus en plus en danger de se fermer sur elles mêmes. Même dans nos vies personnelles et familiales la tentation du repli est grande.
Parfois, cela se traduit par deux attitudes qui sont deux lignes de défense le protectionnisme et l’intégrisme, deux attitudes qui n’ouvrent pas à la lumière du Christ mais ferment sur soi-même et empêchent de voir sa lumière.
La première manière est de se protéger aux frontières, de faire preuve de protectionnisme, On va alors endosser une carapace qui nous préservera des risques externes. On arrête les échanges car l’extérieur est nécessairement le lieu de la menace. Ce repli sur soi est destiné à se défendre des agressions qui pourraient nous ôter nos richesses, notre identité.
Les prophètes de la Bible Hébraïque, déjà, critiquaient cette attitude bien illusoire qui consiste à se mettre à l’abri de forteresses figées. Esaïe (25/12) raillait la confiance dans les murs bien avant que l’on découvre que se cacher derrière une ligne Maginot n’était qu’une mascarade. Et cela vaut pour la plupart des défenses que l’on met en place, qu’elles soient matérielles, juridiques, incantatoires, ou psychiques :
La foi en l’Eternel ne peut pas être l’insensibilité au sort des autres.
Autrement dit, notre Foi ne nous met pas à l’abri des réalités du monde
et de ses évolutions. Il va falloir se préoccuper du réchauffement climatique, s’intéresser aux questions de société et au sort des autres, si nous pensons pouvoir éviter ce monde nous faisons fausse route.
La deuxième manière de se défendre en cas de crise, est de se renforcer à l’intérieur, et non uniquement à la frontière. Les périodes d’incertitude conduisent parfois à se plonger dans des formes d’intégrisme pour défendre une identité propre. Cela consiste à revenir à ce qu’on pense être les fondamentaux alors on renforce les idéologies, on durcit la doctrine, on met en place une orthodoxie de pensée et de conviction qui nous rendra assez fort pour ne laisser aucune prise : détenir LA VERITE contre les incertitudes du lendemain.
A ces tendances de renfermements Jésus répond par cette triple image
Que ne sommes-nous du sel !
Que ne sommes-nous des villes !
Que ne sommes-nous des lumières !
A-t-on jamais vu du sel perdre sa saveur ? Le sel n’a pas de saveur, mais c’est lui qui, dosé convenablement, donne leur saveur à tous les autres aliments.
Dans les temps anciens on a vu des villes situées sur des hauteurs, investies après un long siège par des troupes en armes, pillées, dévastées et pour finir rasées. Et les campagnes dont elles étaient la place forte, le grenier et le marché ont sombré dans la désolation et le marasme.
Les nuits de deuil, on a mis toutes les lampes allumées sous le boisseau. Et toutes les couleurs de la maison se sont éteintes avec elles, tous les reliefs se sont estompés. Et toute la maison a été plongée dans l’indifférente grisaille de la mort.
Si parfois nous avons tendance à nous replier derrière des barrières ou à durcir notre foi en exigences nous croyons que nos actions sont ce qui assure notre réputation aux yeux des hommes, souvenons-nous alors de cela :
– nous ne sommes pas les aliments, mais seulement le sel.
– Nous ne sommes pas la terre des campagnes, d’où proviennent toutes richesses, mais seulement les villes qui les recueillent derrière leurs fragiles murailles que pour les faire circuler vers d’autres villes et vers d’autres campagnes.
-Nous ne sommes ni le foyer, ni la couleur des objets qui le peuplent, ni le relief de la vie qu’il abrite. Nous sommes seulement la lumière qui fait chatoyer les couleurs et percevoir le relief.
Si la gloire de Dieu aux yeux des hommes dépend de ce qu’il fait, ne croyons pas pouvoir y ajouter ou retrancher quoi que ce soit par nos propres actions, bonnes ou mauvaises. Dieu a créé notre monde par amour ; c’est lui-même qui l’a dit : “Et voilà, c’est très bon !”. Cet amour sans cesse renouvelé maintient sa création hors des ténèbres de l’abîme. Sans cet amour, tout retournerait au tohu-bohu dont Dieu l’a fait jaillir.
C’est à lui que nous devons les aliments, à lui que nous devons la fécondité du sol, à lui que nous devons la chaleur du foyer et la lumière du soleil. Même sans sel, les aliments nourrissent ; même sans ville pour en recueillir et faire circuler les fruits, la terre produit ; même sans lumière, les maisons nous abritent.
Mais c’est sans saveur, sans échange ni partage, sans couleur ni relief.
Bien qu’aimé de Dieu, notre monde reste trop souvent celui de la vie sans saveur, sans échange, sans couleur ni relief. Trop souvent, la lumineuse création de Dieu reste enfouie dans la grisaille. Même dans notre façon de vivre la communauté chrétienne cet distance reste possible.
Mais du haut de la croix sur laquelle nous avions prétendu l’étouffer, du fond du tombeau où nous avions prétendu l’enfermer, la lumière s’est échappée. Il y a comme une fissure dans la paroi de la mort et de nos enfermements !
Désormais elle brille et, si l’on veut, on peut la suivre à la trace aux mille éclats qu’elle laisse sur son passage. Elle éclaire ceux qui la reçoivent. Ils retrouvent saveur, couleur et relief à la vie. Cette saveur, cette couleur et ce relief sont si contagieux qu’on les dirait comme des villes dont les greniers s’ouvrent par temps de famine
-Que ne sommes-nous du sel !
-Que ne sommes-nous des villes !
-Que ne sommes-nous des lumières !
Une lumière qui serait cachée sous un seau ne serait plus une lumière,
La foi nous expose au grand jour, à tous les sens du terme.
En effet la lumière ne sert jamais à s’éclairer soi-même elle éclaire le chemin, elle montre par où aller, elle permet l’ouverture vers les autres…
Si nous sommes appelés à être le sel de la terre, ce n’est pas en restant enfermé dans notre salière confortable que nous répondrons à notre vocation.
La foi, c’est ce que Dieu suscite en nous. C’est ce supplément de vie qu’il injecte en nous pour que notre vie ne reste pas enfermée dans les limites auxquelles nous sommes habitués.
La foi est ce qui fait déborder la vie du croyant
Souvenons-nous seulement de l’action par laquelle Dieu a rendu saveur, couleur et relief à nos existences ; souvenons-nous seulement de la manière dont il a ouvert pour nous tout grand ses greniers pour nous rendre commerce avec la vie.
Retrouvons la trace du passage de la lumière parmi nous et engageons-nous dans son sillage. C’est là que Dieu continue de créer, pour sa joie et pour le bonheur de nos vies, de notre témoignage et de notre humanité.
Amen